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Fatoumata Niakate, associée chez Groupe Audit France, explique le champ d’application de la CSRD et ses enjeux

Pouvez-vous nous rappeler le cadre institutionnel dans lequel prennent place aujourd’hui les enjeux de politique de durabilité pour les entreprises.

Le cadre général est celui de la CSRD (Corporatif Sustainability Reporting Directive), c’est-à-dire la directive européenne rentrée en vigueur le 1er janvier de cette année. Cette dernière a pour objectif d’uniformiser le reporting de durabilité des sociétés, tout en améliorant la disponibilité et la qualité des données ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) qu’elles doivent publier.  

La CSRD remplace le cadre ancien de la NFRD (Non-Financial Reporting Directive), en vigueur dans les pays de l’UE depuis 2018, qui, en France, s’inscrivait dans le champ d’application de la Déclaration de performance extra-financière (DPEF) qui recueillait les informations ESG.   

Quel est le champ d’intervention de la CSRD ?

La première conséquence pratique de la CSRD, dès l’exercice 2024, est d’élargir le domaine d’intervention de la NFRD. Cette dernière ne concernait que les grandes entreprises d’intérêt public de plus de 500 salariés, alors que la CSRD s’applique aux entreprises de plus de 250 salariés qui répondent à un au moins des deux critères suivants : 25 millions d’euros de bilan ou 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le champ d’application de la NFRD concernait 11.000 entreprises européennes, celui de la CSRD touche 50.000 entreprises et un nombre important de leurs sous-traitants, dans la mesure où ces entreprises peuvent répercuter sur leurs sous-traitants les exigences de la CSRD pour améliorer leur bilan durabilité.

La CSRD détermine également un cadre européen de normes communes, qui n’existait pas dans la NFRD. Ces nouvelles normes, ou ESRS (European Sustainability Reporting Standards) visent à fournir des informations plus détaillées et exigeantes sur les données qui constituent les critères ESG, comme outils de la Responsabilité sociale des entreprises (RSE). Ces données devront être présentées dans un rapport de durabilité, sur une base annuelle.

Dans le langage courant, on utilise souvent de manière indifférenciée les termes d’ESG et RSE, que recoupent-ils exactement ?

Les critères ESG sont utilisés pour évaluer la stratégie RSE et la performance d’une entreprise en termes de durabilité, c’est à dire en dehors des indicateurs financiers habituels. Les deux concepts renvoient donc au même domaine ; la promotion de pratiques durables et éthiques dans les entreprises, mais à partir de deux approches différentes et complémentaires. La RSE, en quelque sorte, porte sur l‘engagement des entreprises au service d’une démarche de durabilité, et l’ESG traite des normes qui constituent ses critères environnementaux, sociaux et de gouvernance et leur impact sur la valeur financière de l’entreprise. L’intervention de l’auditeur s’inscrit donc dans une approche qui relève de l’évaluation des critères ESG, mais dans le cadre général de la RSE d’une société.  On peut, en conséquence, selon l’angle où l’on se place, parler d’ESG ou de RSE pour traiter le même sujet.

Quel est le rôle de l’auditeur dans la nouvelle mise en œuvre des critères ESG ?

Dans le cadre de la CSRD, le premier rôle des cabinets d’audit est de certifier le rapport de durabilité des entreprises. Pour atteindre cet objectif, la Compagnie des Commissaires aux Comptes (CNCC) a lancé le Visa durabilité qui propose à ses membres une offre de formation sur le sujet. Le rapport durabilité prendra place dans le rapport de gestion annuel, dans une section spéciale, à côté des états financiers. Il devra également être publié sur internet. Face à un nouveau champ de compétence, l’enjeu de la formation est capital. Tous les organismes tiers indépendants (OTI), accrédités par la COFRAC, peuvent auditer les rapports durabilité. Pour les commissaires aux comptes, cette accréditation ne passe pas par la COFRAC mais par le cycle de formation dispensé par la CNCC qui devra être accrédité par la H2A (Haute Autorité de l’Audit), anciennement H3C. Cette formation est ouverte jusqu’au 1er janvier 2026, et repose sur un programme de 90 heures, construit à partir de 50 modules, dont 43 en elearning, traitant des 3 critères ESG.

Quels sont les atouts de Groupe Audit France pour répondre à l’enjeu de la durabilité ?

Le premier enjeu est celui de la formation. A cette fin, quatre auditeurs de Groupe Audit, dont moi-même, sont déjà inscrits dans les premiers cycles de formation de la CNCC.  Ils auront la charge, sous ma conduite, d’optimiser la culture ESG du cabinet. Nous sommes très réactifs sur ce sujet. Fidurevision, notre filiale Grand Est, dont le siège est à Mulhouse, a déjà engagé la mise en place d’une stratégie RSE, en vue d’une offre client transposable à l’ensemble du Groupe France. Nous pouvons proposer dès à présent un diagnostic RSE, grâce à un outil de la CNCC, appelé Diag RSE, qui permet aux commissaires aux comptes ou experts comptables de fournir à leurs clients un diagnostic qui délimite le champ d’intervention RSE d’une entreprise et les questions qu’il soulève. Grâce aux formations suivies, Groupe Audit France sera inscrit sur la liste d’accréditation du H2A, dès le 2e semestre de l’année en cours, et pourra ainsi, à partir de janvier 2025, certifier les rapports durabilité de 2024.

Je rappelle également que ma formation à la base est tournée vers la RSE ; outre mon Master sur l’enjeu de la RSE pour les PME, le certificat obtenu à Dauphine sur le reporting extra financier permettait de postuler au statut d’OTI accréditée auprès de la COFRAC, que l’on soit commissaire aux comptes, expert-comptable ou simple consultant.

Un récent sondage montre que 88% des entreprises disent ne pas être prêtes à répondre aux critères de la CSRD ; quelles sont les conseils que vous pouvez donner à vos clients et prospects pour maitriser cet enjeu ?

Le premier conseil aux entreprises concernées porte sur le calendrier. Les entreprises ne doivent pas attendre 2025 pour traiter le sujet. La directive CSRD rentre en application en janvier 2025, mais il ne faut surtout pas oublier que le rapport durabilité porte sur l’exercice 2024. Il faut, dés à présent, collecter les données, évaluer leur impact et organiser leur diffusion à travers un reporting.  

Cette initiative, et c’est ma deuxième recommandation, passe par les conseils d’un spécialiste qui doit aider les entreprises à mener à bien un état des lieux préalable des données ESG.   Il faut noter à ce propos que la mission des commissaires aux comptes est dite « permanente et indépendante » ; cela signifie que les auditeurs peuvent intervenir à tous les stades du processus de collecte des données et d’analyse des procédures. Il est cependant important de rappeler que le commissaire aux comptes, pour des questions évidentes de conflit d’intérêt, ne peut à la fois mener une mission de conseil et d’auditeur. En conséquence, s’il participe à l’élaboration du rapport durabilité, il ne peut alors le certifier. L’offre de diagnostic RSE est toutefois toujours possible, que la mission du commissaire aux compte soit de conseil et d’accompagnateur ou d’auditeur. Les interventions pour les missions de conseil se jouent dès maintenant, et Groupe Audit France est pleinement mobilisé pour répondre aux attentes de ses clients.

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